
Les collaborateurs de Saillon sensibilisés au mieux vivre ensemble
L’Administration communale de Saillon, en Valais, a souhaité offrir à tous ses collaborateurs une formation pour apprendre à mieux vivre et travailler ensemble. Celle-ci a pris la forme d’un atelier «théâtral», emmené par des comédiens. Une façon ludique et bienveillante d’ouvrir le dialogue et de permettre à chacun d’agir.
Tout employeur responsable souhaite voir ses équipes travailler avec plaisir, dans une atmosphère agréable. Car évoluer dans un climat sain et épanouissant, basé sur l’écoute et la solidarité, c’est non seulement bon pour la santé, mais c’est aussi offrir le meilleur de soi-même! A Saillon, en Valais, le président de la commune Charles-Henri Thurre privilégie à ce sujet la vision d’une responsabilité partagée: «Les conditions de base – cahier des charges, confort du poste, horaires, etc. - doivent évidemment être mises en place par la commune, mais pour ce qui est de l’atmosphère de travail au sein de l’administration, c’est avant tout de la responsabilité de chacun.»
Générations, cultures, sensibilités différentes
Connue pour son bourg médiéval, Saillon a vu sa population passer de 2136 à 3094 personnes entre 2010 et 2023, soit une progression de près de 45% en une décennie environ. A cette évolution démographique fait naturellement écho une augmentation similaire du personnel communal. Chefs de service, personnel d’accueil de la petite enfance, ingénieurs, concierges, paysagistes, parents d’accueil, collaborateurs du tourisme, etc., ils sont aujourd’hui une centaine à assurer les prestations aux citoyens. «Autant de personnes issues de milieux, de cultures, de générations et de sensibilités différentes, c’est une force et nous en sommes fiers, mais ça nécessite forcément des efforts de part et d’autre pour que tout se passe bien», commente Grégory Thurre, responsable des ressources humaines à ce moment-là.
«L’atmosphère de travail au sein de l’administration, c’est avant tout de la responsabilité de chacun.»
Attitudes et mots inadéquats parsèment le jeu
Or, si certaines entreprises ont cédé à la «mode» du «Chief happiness officer», Saillon a choisi une autre voie pour mettre de l’huile dans les rouages, celle de la formation par le biais d’un atelier. Baptisé «Bien vivre et travailler ensemble», celui-ci était animé par Le Caméléon, une compagnie spécialisée dans le théâtre-forum. Le théâtre-forum est une des techniques du genre du théâtre de l’opprimé, né dans les années 70 au Brésil. C’est un moyen d’émancipation et de changement social et politique.
Le principe? Des comédiens jouent différentes mises en scène. Par exemple: des collègues discutent à la cafétéria du choix d’un cadeau d’anniversaire pour une cheffe de service, l’informaticien initie une nouvelle arrivée aux mesures de sécurité dans l’administration. Les situations semblent banales, mais les comédiens parsèment leur jeu et leur discours d’attitudes et de mots inadéquats: une allusion xénophobe, un geste déplacé, une moquerie sur une particularité physique, un ton un peu trop familier, etc. «Les situations sont réalistes, mais nous jouons volontairement des personnages stéréotypés, explique Simon Labarrière, comédien et directeur de la compagnie. Cela permet de rester ludique, et ça favorise la mise en confiance.»
Collaborateurs invités à rejouer les scènes
Une confiance qui sera indispensable pour la suite du processus. Dans la salle, les collaborateurs de tous bords observent le jeu des acteurs sans mot dire. L’animateur indique alors: «Nous allons rejouer cette scène à l’identique, et désormais, à vous de lever la main à chaque fois que quelque chose vous dérange. On stoppe alors le jeu, et on en parle.» Très vite, des mains se dressent: «Il ne peut pas faire cette allusion, c’est anti-Français!», «C’est vraiment du commérage!» Sur invitation de l’animateur, les plus courageux se risquent même à remplacer le comédien «fautif» et à rejouer la situation comme ils la jugent «correcte». «Dans ce genre d’exercice, explique Simon Labarrière, environ 20% des gens participent, en levant la main ou en montant sur scène, 15% restent en retrait, et 65% gardent une oreille attentive. Or chez eux, comme chez les plus actifs, il va se passer quelque chose, une prise de conscience, un changement de perspective, et c’est gagné.»
Le théâtre-forum: un tremplin pour l’action
Les prestations de la compagnie Le Caméléon sont de plus en plus demandées. «Depuis le Covid, l’individualisme a progressé et les collaborateurs ont davantage besoin de s’affirmer et de poser des limites», explique le directeur Simon Labarrière. La compagnie propose dès lors du «sur-mesure». Objectif: ouvrir un cadre pour le dialogue, et permettre à chacun de proposer des pistes pour améliorer la communication interpersonnelle, intergénérationnelle et/ou intersectorielle. «Dans les communes, les RH doivent impérativement être impliquées, cela permet d’incarner la démarche.»