«Une fusion, c’est un projet à la fois technique, juridique et administratif. Au-delà de ces aspects, il y a aussi une densité émotionnelle importante parce qu’on touche au cœur de l’identité communale»: Laurent Curchod, délégué du canton de Vaud aux fusions de communes.

Le cœur de Laurent Curchod bat pour les fusions

21.02.2022
1/2 | 2022

Depuis une année, Laurent Curchod occupe le poste de délégué cantonal aux fusions de communes. Un rôle qu’il connaît bien, puisqu’il a déjà assumé des fonctions similaires à l’Etat de Vaud de 2009 à 2015. Attaché au travail de proximité, il sillonne le canton pour créer des ponts et faciliter le dialogue.

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Laurent Curchod a toujours été attaché à la proximité avec les gens. Une valeur essentielle insufflée par son parcours familial et professionnel. Depuis le 1er février 2021, ce Vaudois «pur sucre» parcourt le canton pour mettre en place des fusions de communes. Rattaché au Département des institutions et du territoire (DIT), le juriste de formation n’est pourtant pas un novice en la matière. Son premier projet de fusion remonte à 2006 alors qu’il était secrétaire général de l’Association de la Région du Gros-de-Vaud. «A l’époque, les petites communes avaient déjà des difficultés à renouveler leurs autorités, mais on s’intéressait très peu à cette thématique», se souvient Laurent Curchod. Il chapeaute plusieurs projets de fusions comme ceux d’Assens, de Goumoëns, de Jorat-Menthue et de Montilliez.

Une première sollicitation cantonale

Fort de cette expérience, il rejoint en 2009 le département de Philippe Leuba qui, lorsqu’il est élu conseiller d’Etat deux ans plus tôt, fait des projets de fusion un axe stratégique de sa politique. Avec l’entrée en vigueur de la loi sur les fusions de communes, adoptée en 2004, plusieurs importants projets sont discutés par des autorités communales. «Il fallait répondre à une demande assez forte, explique Laurent Curchod. Une fusion, c’est un projet à la fois technique, juridique et administratif. Au-delà de ces aspects, il y a aussi une densité émotionnelle importante parce qu’on touche au cœur de l’identité communale.»

Selon lui, la fusion représente un nouveau départ. Pour certaines communes, elle sert à améliorer des prestations tandis que pour d’autres, elle permet de palier à la difficulté que rencontrent certaines petites communes pour trouver des candidats à la municipalité. En 2015, plusieurs projets de fusions importants en termes de nombre de communes échouent dans les urnes. «Certains étaient très ambitieux, reconnaît Laurent Curchod. Parfois, il peut y avoir des vents contraires. Quand il y a un échec, c’est un projet de trois ans qui part en fumée. On n’a pas d’autre choix que de l’accepter, mais il faut toujours essayer de comprendre les raisons d’une telle décision.»

Une vocation malgré tout

Laurent Curchod aspire à un nouveau souffle et décide de quitter l’administration cantonale. De 2015 à 2020, il travaille comme secrétaire municipal pour les communes de Chexbres et Rivaz. Toutefois, le quinquagénaire se rend vite compte que les fusions restent une vocation. En accord avec son employeur, il garde un mandat privé pour piloter le projet de fusion entre Blonay et Saint-Légier-La Chiésaz. «Entre les deux communes, il y a une proximité sociale évidente et une complémentarité, reconnaît Laurent Curchod. On crée une ville de 12000 habitants tout en gardant deux villages avec leur identité propre.» Avec le recul, il reconnaît qu’il aurait dû insister sur l’organisation d’une démarche participative. «Il y a eu des séances d’information et de débats intercommunaux, mais la votation sur la fusion a été déplacée en raison de la pandémie et dans ces cas-là, le non gagne toujours du terrain. On a sous-estimé le besoin qu’avait la population de s’exprimer davantage sur un projet d’une telle envergure», poursuit-il.

Un retour sur le terrain

Durant cette période, le poste de Laurent Curchod n’est pas repourvu à l’Etat de Vaud. A l’interne, une juriste est chargée de coordonner les aspects juridiques des fusions. A la demande du Grand Conseil, le poste de délégué aux fusions est réintroduit. «On s’est rendu compte que l’âme de ce poste consistait essentiellement à être sur le terrain, indique Christelle Luisier, conseillère d’Etat chargée du Département des institutions et du territoire. On peut aider les communes d’un point de vue logistique, mais il faut prendre en considération les aspects émotionnels. La valeur ajoutée de Monsieur Curchod, c’est qu’il est toujours en contact avec les communes et se déplace aux quatre coins du canton.»

De l’ambition pour l’Etat et les communes

Si une fusion peut paraître évidente pour un exécutif, la population a toujours le dernier mot. «Beaucoup d’habitants sont opposés en raison de la question identitaire, observe Laurent Curchod. Il y a toutefois un paradoxe, car ils sont de plus en plus demandeurs de prestations et ont de nombreuses attentes vis-à-vis des communes sans se soucier parfois du manque de moyens humains des petites communes.» Avec l’expérience, le délégué cantonal a appris à anticiper les problèmes. Selon lui, il ne faut jamais oublier que lors d’un processus, l’administration est aussi un acteur important. «La nouvelle commune garantit les postes, mais pas les fonctions. On n’intervient pas dans la construction de la nouvelle administration.»

Enfin, ce qu’il a appris au fil de ces années, c’est qu’il faut éviter l’entre soi et ne pas ignorer les avis contraires. «Une fusion doit disposer d’une cohérence géographique, sociale, économique et culturelle. Il faut un destin commun d’intérêt, sinon on va droit dans le mur. Si vous n’aimez pas les communes, vous n’aimez pas les fusions. Enfin, il faut avoir de l’ambition pour l’Etat et les communes», assure encore Laurent Curchod.