Un croquis fait en atelier d’une place de jeux à Orbe (VD).

Le bon «réflexe paysage»

03.09.2025
9 l 2025

Le paysage va bien au-delà de la simple nature. A l’échelle locale, il constitue le liant entre de nombreuses politiques publiques, d’où l’importance d’accorder un soin particulier à sa qualité. Pour analyser leurs besoins en la matière, les communes peuvent s’appuyer sur un programme fédéral de prestations de conseil.

«Lorsqu’il est question de paysage, on a parfois tendance à l’associer uniquement avec la nature. Or, la notion de paysage est bien plus large, elle englobe des éléments tels que le mouvement et la santé.» Elise Riedo est ingénieure en aménagement du paysage. En 2022, la directrice associée du bureau urbaplan a accompagné la commune vaudoise d’Orbe dans le cadre du programme fédéral de promotion de prestations de conseil en matière de paysage (voir encadré).

«J’ai entre autres proposé aux responsables communaux une promenade urbaine visant à analyser les besoins et les possibilités en matière de mobilité douce au quotidien.» Elise Riedo s’explique: «Tout le monde est concerné par la marche, que ce soient les habitantes et habitants qui vont faire leurs courses, les employées et employés des entreprises locales qui se rendent à la gare, les seniors qui sortent promener leur chien, etc.» Avec «peu de moyens et beaucoup de malice», il est possible d’inciter les utilisatrices et utilisateurs de l’espace public à bouger au quotidien, tout en augmentant la qualité paysagère.

Pour ce faire, «il suffit souvent de se baser sur l’infrastructure existante et de la compléter par petites touches, là où c’est nécessaire: un banc avec vue ici, une main courante là, un panneau indiquant la proximité du lac ou encore quelques arbres offrant de l’ombre.» A titre d’exemple, la spécialiste a dégainé en compagnie des personnes participant à l’atelier le plan d’un quartier d’habitation et y a imaginé un cheminement de mobilité de proximité.

Trouver les points d’intersection

La commune zougoise de Baar a elle aussi décidé de profiter de la possibilité de bénéficier de conseils spécialisés en matière de paysage. «Un membre de notre administration communale, qui avait auparavant travaillé à Flims (GR) et y avait déjà fait de bonnes expériences avec ce programme fédéral, nous l’a recommandé», rapporte Franz Steffen, en charge du service communal de l’énergie et de l’environnement. «Nous avons décidé de profiter de cette opportunité d’obtenir un point de vue extérieur, notamment sur la question des franges urbaines.»

C’est Regula Waldner qui s’est chargée en 2024 de l’accompagnement de la commune de Baar. Parmi les effets collatéraux positifs observés, la collaboratrice du bureau oekoskop cite le fait que ce coaching a permis de réunir à une même table les responsables de divers services. «En me baladant sur le territoire de la commune avec les autorités locales et en allant visiter les endroits repérés en amont comme problématiques (en matière de paysage), j’ai réalisé qu’ils présentaient des similitudes. Dans la majorité des cas, il y avait un décalage entre la théorie – en l’occurrence le plan de quartier – et les aménagements effectifs», rapporte la collaboratrice du bureau oekoskop.

Exemple parlant? «Un espace prévu pour une zone de rencontre, qui finit par se transformer en parking.» Selon la spécialiste du paysage, «les responsables du programme de construction d’une commune ont – logiquement – des besoins différents de ceux des personnes en charge de la durabilité ou de l’aménagement du territoire. Il est donc essentiel de trouver les points d’intersection entre leurs domaines et d’agir là-dessus». La phase d’inspection des constructions joue un rôle particulièrement important, puisqu’elle permet de s’assurer de l’adéquation entre ce qui a été planifié et ce qui est effectivement réalisé. «Durant mon intervention, les différentes parties prenantes ont pris la mesure de l’importance de penser au paysage dans toutes les phases du développement de la commune.»

A l’interface de nombreuses politiques publiques

Elise Riedo en est convaincue, «en quelques jours d’accompagnement seulement, il est possible d’une part d’identifier les actions prioritaires à mettre en œuvre dans une commune». D’autre part, ce coaching permet d’intégrer un questionnement sur le paysage dans les projets déjà en cours, «bref, d’inculquer un ‹réflexe paysage›» chez toutes les personnes concernées de près ou de loin par cette thématique.

Cheffe de la section Nature dans l’espace bâti et paysage du canton de Vaud, Najla Naceur abonde dans le même sens: «Le paysage est le trait d’union entre toutes les politiques sectorielles», qu’il s’agisse de l’aménagement du territoire, du développement des énergies renouvelables ou encore de la santé. Or, «le paysage est une matière qui demeure complexe et les spécialistes peuvent aider les communes à en révéler les points faibles et les points forts».

Projet-pilote pérennisé

A l’époque des interventions d’Elise Riedo à Orbe (VD) et de Regula Waldner à Baar (ZG), le programme de promotion de prestations de conseil en matière de paysage était dans une phase-pilote. Début 2025, cette offre – qui vise à aider les communes à atteindre les objectifs de la Conception «Paysage suisse» (CPS) – a été pérennisée. Concrètement, les responsables communaux peuvent faire appel – en passant par le service cantonal compétent – à des spécialistes en matière de paysage qualifiés par la Confédération. Ces dernières et derniers apportent leur soutien pour analyser la situation du paysage et identifier des actions possibles afin de renforcer les qualités paysagères locales. Tandis que la Confédération finance – par l’intermédiaire de l’Office fédéral de l’environnement – au maximum la moitié des prestations, les cantons et les communes règlent le financement restant de manière autonome.

Patricia Michaud
sur mandat de l’Office fédéral de l’environnement (OFEV)