Gustave Muheim signe la Déclaration des communes et des villes à l’AG de l’Association des Communes Suisses.

L’accès des communes à la Constitution fédérale: l’histoire vue par un syndic

11.08.2025
7-8 l 2025

L’accession des communes à la Constitution fédérale n’a pas été un long fleuve tranquille. Elles ont dû s’imposer comme un niveau de pouvoir à part entière. Le témoignage de Gustave Muheim, syndic de Belmont de 1992 à 2020, membre du comité de l’Association des Communes Suisses (ACS) de 2002 à 2020, ancien membre du comité de l’Union des communes vaudoises (UCV), et président de Lausanne Région de 1998 à 2021, illustre ce tournant institutionnel majeur - et ses répercussions sur le terrain.

«Je n’ai pas participé directement aux travaux à Berne liés à l’art. 50 Cst., mais les réflexions régionales étaient déjà en cours», contextualise Gustave Muheim, syndic de Belmont-sur-Lausanne et ancien membre du comité de l’Association des Communes Suisses (ACS). Sur le terrain, ce sont les premières structures d’agglomération qui émergeaient, dont la COREL (Communauté de la Région Lausannoise), fondée en 1990. Au tournant du XXIe siècle «la Constitution devait reconnaître la commune en tant qu’institution, et pas seulement comme relais des cantons».

Une bataille pour exister en tant qu’institution

A l’époque, un point de friction récurrent était le respect de la souveraineté cantonale. Il ne devait en aucun cas exister de lien direct entre la Confédération et les communes: «Il y avait une vraie crainte que les cantons continuent à décider pour nous auprès de la Confédération», résume Muheim. C’est cette crainte qui poussa les communes à s’organiser et à se battre pour faire reconnaître leurs rôles institutionnels dans la Constitution. Ce débat sur la Suisse et son organisation inspire également le monde artistique. C’est par une œuvre se nommant «La Suisse n’existe pas» que le pavillon suisse était représenté à l’Exposition universelle de Séville en 1992. Une belle analogie aux débats bernois, d’après Muheim.

Le vocabulaire constitutionnel posait lui aussi problème. «On parlait des villes, mais pas des villages», se souvient l’ancien syndic. Pourtant, juridiquement, une ville est une commune. Mais de facto, «elle considère parfois qu’elle ne l’est plus». L’ajout d’un alinéa sur les régions de montagne (al. 3) a renforcé cette stratification alors que les deux premiers alinéas font référence aux communes en tant qu’institution.

Cet acquis n’a pas été obtenu sans «batailler ferme», notamment vis-à-vis de l’administration fédérale, qui y voyait un interlocuteur de plus. «Et pourtant, quelle fierté: avec l’article 50, les communes existent. Avant, elles étaient traitées comme des sous-structures cantonales. Maintenant, elles existent juridiquement, constitutionnellement. Ce n’est plus un Conseil d’Etat qui décide, au cas par cas, de leur importance. C’est la loi constitutionnelle qui le fait.»

«Avec l’article 50, les communes existent. Avant, elles étaient traitées comme des sous-structures cantonales. Maintenant, elles existent juridiquement, constitutionnellement.»

Gustave Muheim, ancien syndic de Belmont-sur-Lausanne

Une reconnaissance concrétisée rapidement

Le tournant arrive peu après l’adoption de la nouvelle Constitution en 1999. Fin 2000, Moritz Leuenberger fonde la Conférence tripartite sur les agglomérations (CTA). «Cette création, c’était le premier pas de la vraie reconnaissance des communes par l’article 50.» Muheim y siège en tant que président de la COREL, la première association régionale de droit privé. «C’était une invitation officielle: s’asseoir à la même table, en nombre.» L’invitation du 15 novembre 2000 convie une délégation de dix représentants communaux, sept représentants cantonaux et quatre représentants de la Confédération, présidée par le conseiller fédéral Leuenberger, à se réunir le 20 février 2001 au siège de la Banque nationale suisse.

Quid juris

A la suite de l’acceptation en avril 1999 de la nouvelle Constitution, les communes ont demandé une application prompte et juste de cet article. Et, étant donné la résistance initiale des cantons et de la Confédération vis-à-vis de cet article, il était nécessaire de délimiter la portée réelle de l’article constitutionnel. C’est le professeur Alfred Kölz sur mandat des associations communales qui a mené ces travaux. Les conclusions sont claires: même si cet article n’a pas créé de nouvelles compétences matérielles fédérales et ne saurait constituer une base juridique autorisant l’allocation, à titre général, de subventions aux communes et aux villes, tous les organes de la Confédération sont désormais tenus, dans l’accomplissement de leurs tâches, d’accorder spontanément une attention toute particulière aux communes et à trouver des solutions adéquates. (Avis de droit [Prof. A. Kölz] sur l’interprétation de l’art. 50 Cst. al. 2 et 3 de la Constitution fédérale, 16 mars 2001).

La nécessité d’un dialogue direct avec Berne

L’accession des communes à la Constitution a été un pas majeur pour les communes: «On avait le même niveau étatique, mais on jouait dans une autre ligue. Ça a permis de rééquilibrer les poids. Et on ne faisait pas de la figuration», conclu l’ancien syndic.

Grâce à l’article 50, les communes «existent» en étant inscrites au sommet de l’ordre juridique suisse, et cette existence l’Association des Communes Suisses la défend depuis 25 ans avec conviction.

Manon Röthlisberger
Association des Communes Suisses
Directrice suppléante