César Murangira près de la maison communale de Marly (FR).

«J’aime bien être au service de la population»

12.05.2025
5 l 2025

Jeune homme, César Murangira a survécu au génocide contre les Tutsi au Rwanda. Aujourd’hui, il est conseiller communal à Marly (FR). Ayant grandi avec la politique, la question de l’engagement politique en Suisse ne se posait même pas pour lui. Dans l’entretien accordé à «Commune Suisse», il évoque son engagement et la manière dont ses expériences au Rwanda l’ont marqué.

«La politique m’a toujours été familière», raconte César Murangira. Par un bel après-midi de printemps, le conseiller communal de Marly nous reçoit dans la grande salle de réunion de l’administration de cette commune de l’agglomération fribourgeoise. Il paraît tout d’abord réservé, mais son récit s’accélère rapidement pour remonter 40 ans en arrière, au Rwanda où il a grandi: «Mon père était un politicien local. Je me souviens des gens du coin qui venaient chez nous à la maison et de mon père qui se préoccupait de leurs problèmes.» Le père de César Murangira n’est aujourd’hui plus là pour faire bénéficier son fils de ses expériences politiques. Il a été tué lors du génocide de 1994 contre la minorité tutsie, tout comme de nombreux membres de la famille de César Murangira.

«Cette expérience fait partie de moi et m’a marqué. Mais je ne crois pas qu’elle influence ma manière de faire de la politique», souligne César Murangira, en affirmant essayer de regarder vers l’avenir. Et d’ajouter: «Parfois, mon histoire m’aide à relativiser certaines situations. Je me dis alors que la situation n’est pas bonne mais qu’elle n’est pas synonyme de fin du monde. Et j’ai vécu la fin du monde.»

Participation au développement du parti

César Murangira est arrivé en Suisse en 1997, pas comme réfugié mais comme étudiant. Il a fait des études en travail social, politique sociale et sociologie à l’Université de Fribourg. Il a ensuite déménagé à Marly (FR) avec sa femme suisse. Il y habite toujours et travaille pour les services sociaux de la Ville de Fribourg. La question de savoir s’il voulait aussi être actif dans sa nouvelle patrie ne s’est jamais posée, fait-il valoir. Et de préciser: «Assumer des responsabilités politiques est une évidence pour moi.»

«La politique n’est jamais simple, notamment lorsqu’on vient d’Afrique, un continent sous-estimé.»

César Murangira, conseiller communal de Marly (FR)

César Murangira s’est tout d’abord informé sur les différents partis. Il a choisi les Verts car l’engagement en faveur de l’environnement est très important pour lui. «A l’époque, le parti était encore petit et il s’agissait de le développer et de travailler sur son programme.» Il a été cofondateur de la section dans le district de la Sarine ainsi que dans sa commune de Marly. En 2016, les Verts se sont pour la première fois présentés aux élections à Marly avec leur propre liste, et César Murangira a été élu au sein du parlement communal, le Conseil général. En 2021, il a réussi le saut au sein de l’exécutif. «Je suis le premier conseiller communal vert de Marly», relève-t-il, non sans fierté.

Dans le même temps, il sait qu’il est important de travailler ensemble et de trouver un consensus. «Je ne souhaite pas moraliser, mais aller de l’avant avec de bons exemples.» Il a ainsi suggéré d’offrir de façon conséquente des aliments bio et si possible de la région dans le cadre de l’accueil extrascolaire. «Cela n’est pas seulement bénéfique pour les enfants mais aussi une manière de soutenir les agriculteurs de la région. Les trajets sont par ailleurs courts, ce qui protège le climat.» Cette idée a été bien accueillie à Marly et a entre-temps été mise en œuvre (voir l’article dans «Commune Suisse» 2/2024).

Commentaire sur son origine

Lors de la campagne électorale, son origine a suscité des commentaires. «La politique n’est jamais simple, notamment lorsqu’on vient d’Afrique, un continent sous-estimé», argue-t-il. «On parle ici d’une Afrique, alors que le continent est tellement varié, avec une telle diversité de pays et de cultures.» D’un abord réservé, il trouve même qu’être sous-estimé est un avantage: «Je surprends les gens.» Ce que l’on pense de lui l’indiffère, dit-il en riant: «C’est peut-être pourquoi je suis actif en politique.» Lorsqu’on lui demande d’où il vient, il répond de manière conséquente: «De Marly.»

César Murangira est un des rares politiciens communaux à avoir un passé migratoire. Que faire pour que cela change? Il réfléchit longtemps avant de répondre: «Des naturalisations facilitées pourraient permettre aux gens de se sentir ici vraiment chez eux et d’avoir envie d’assumer des responsabilités.» Il estime aussi qu’une meilleure rémunération pourrait rendre les mandats de milice plus attrayants. Un mandat de conseiller communal exige beaucoup d’engagement, les dossiers sont complexes. Il faut vraiment avoir le feu sacré pour la politique. C’est le cas de César Murangira. «J’aime bien être au service de la population. La Suisse et la commune de Marly m’ont donné la possibilité de le faire.»

Nadja Sutter
«Commune Suisse»
Rédactrice en chef 
Traduction: Marie-Jeanne Krill