
En Valais, des communes de montagne réagissent à la crise du logement
Les communes de montagne font face à d’importants défis en matière de logement: d’un côté, la population résidente, de l’autre, le tourisme, qu’il faut accueillir sur un terrain en relief. Frappées par un exode de population et un taux de vacance très bas, Saint-Martin, dans le val d’Hérens, et Val de Bagnes, où se trouve Verbier, ont pris les devants pour inverser la situation - avec de premiers succès.
Jusqu’en 2017, Saint-Martin voyait sa population peu à peu reculer: environ cinq personnes quittaient la commune chaque année. Jeunes, familles et seniors ne trouvaient pas de logements adaptés. «Il manquait de logements attractifs, la plupart étant mal isolés et non rénovés», explique Gaëtan Rossier, président de la commune. A cela s’ajoutent le tourisme rural et les domaines skiables alentour, qui créent de la demande parmi les saisonniers au budget souvent limité. Parallèlement, le nombre de résidences secondaires augmente en raison de la vente de biens, qui ne sont occupés qu’une partie de l’année.
Même tableau à Val de Bagnes: taux de vacance inférieur à 1%, exode des jeunes et population vieillissante. Ici, le tourisme hivernal, principal moteur économique, a un fort impact démographique. «De 10 000, on passe parfois à 50 000 personnes, dit Fabien Sauthier, président de la commune. Le fait d’être une ville en montagne rend la chose complexe en termes de logement.» En effet, il faut répondre aux besoins du personnel saisonnier et de la population locale. Le tout dans un contexte de prix du marché élevés. «Jeunes et saisonniers ont de la peine à se payer un pied-à-terre sur la commune», déplore-t-il. D’après un sondage, le loyer constitue une charge critique pour 35% des ménages.
«Le fait d’être une ville en montagne rend la chose complexe en termes de logement.»
Ecole, nurserie et appartements sous le même toit
Les deux communes ont décidé de réagir. En 2017, Saint-Martin inaugure la Maison des Générations, projet boosté par la nécessité d’une nouvelle école. Le bâtiment réunit un centre scolaire (quatre classes, salle de travaux manuels, salle d’appui), une unité d’accueil de la petite enfance et une nurserie. Dans les étages, dix appartements à loyer modéré de 2,5 et 3,5 pièces adaptés aux personnes à mobilité réduite, mais destinés à l’ensemble de la population. Gaëtan Rossier: «Cela attire aussi des jeunes qui quittent le foyer familial.» Tout en ayant leur propre espace, les générations cohabitent, ce qui permet de recréer du lien, assure le président.
Le concept porte ses fruits: depuis 2017, la population est passé de 829 à 850 habitants. «L’école a joué un rôle clé, c’est un atout pour les jeunes familles.» Tous les appartements sont loués, il y a une liste d’attente. Le taux de vacance actuel de la commune est inférieur à 1%. «Le manque de logements freine la hausse de la population», atteste Gaëtan Rossier. Une nouvelle maison intergénérationnelle n’est pas prévue dans l’immédiat: de tels investissements - en l’occurrence 8,5 millions de francs - restent exceptionnels. Une solution alternative est la rénovation de bâtiments inutilisés comme l’ancienne école. Saint-Martin vend également une partie de ses terrains à un prix accessible afin d’aider les jeunes à s’y établir.
«L’école a joué un rôle clé, c’est un atout pour les jeunes familles.»
Une fondation pour échapper aux prix du marché
Val de Bagnes, elle, peut investir dans des projets de construction grâce à ses importantes rentrées fiscales. L’un d’eux est le projet Curala, qui coûte près de 200 millions de francs et réunit installations touristiques et logements d’habitation: cinq lots sont prévus près du départ des télésièges, avec une centaine d’appartements dont certains pour seniors et à loyer abordable, un hôtel, des hébergements touristiques, commerces et bureaux. Le Conseil d’Etat doit encore valider la révision du plan de zone avant le dépôt des demandes d’autorisation de construire.
Dans le cadre d’un plan action logement, Val de Bagnes est en train de créer une fondation d’utilité publique. «Elle permettra d’acheter, construire, rénover, louer et gérer des logements à des prix hors de ceux du marché. Le but est d’en faciliter l’accès pour toute la population», explique Fabien Sauthier. Une autre mesure est le renforcement de la politique foncière, comme l’acquisition de terrains nus et d’immeubles d’habitation existants, la transformation de granges et l’assainissement de logements. La commune dispose de plus de 200 bâtiments, dont d’anciennes écoles, qu’elle souhaite rendre habitables.
Saint-Martin compte aussi exploiter ses bâtisses vides. La modification du plan de zone devrait encourager leur rénovation pour créer des appartements, avance Gaëtan Rossier. Ces réflexions se font dans le cadre de l’actuelle révision du plan d’affectation des zones (PAZ) et du règlement communal des constructions (RCCZ), exigée par la révision de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) visant à réduire les zones à bâtir démesurées et à mieux utiliser les réserves de terrains à bâtir.
Echanges avec la population et les communes
Pour résoudre les défis liés au logement, les communes de Saint-Martin et Val de Bagnes s’appuient également sur la population. «Il est essentiel de concilier les besoins des différents groupes cibles», souligne Fabien Sauthier, président de Val de Bagnes. La commune a ainsi organisé des ateliers et groupes de travail auxquels les associations locales ont participé. La même démarche avait été entreprise lors de l’élaboration du projet de la Maison des Générations à Saint-Martin. En outre, les échanges entre communes rencontrant des problématiques similaires sont importants. Le Groupement suisse pour les régions de montagne (SAB) ou le réseau international «Allianz in den Alpen» permettent d’aborder ces sujets, de partager les expériences et de trouver des solutions.