Cybersécurité: de nombreuses communes suisses gravement menacées

18.06.2025
6 l 2025

De nombreuses communes suisses ne sont pas suffisamment protégées sur le plan numérique - c’est ce que révèle la dernière enquête 2025 sur les communes. L’inventaire des systèmes informatiques fait déjà défaut: environ un tiers des communes de Suisse alémanique - et même près de la moitié en Suisse romande et au Tessin - indiquent ne pas tenir d’inventaire ou seulement des inventaires lacunaires. Or, celui qui ne sait pas ce qui doit être protégé ne peut pas non plus défendre ses données de manière efficace.

621 communes - près de 30 pour cent de toutes les communes suisses - ont participé à l’enquête 2025 sur les communes de l’association «Ma Commune» et de l’Association des communes suisses (ACS). Cela correspond à une augmentation réjouissante de 3,3 points de pourcentage par rapport à 2024. L’enquête de cette année était axée sur la situation actuelle en matière de sécurité et sur le besoin d’un soutien externe dans le domaine de la sécurité des données et de la cybersécurité. Le taux de participation élevé fournit une image significative de la situation réelle. Et cette image est alarmante dans de nombreux domaines.

Inventaire, directives, plans d’urgence - il manque beaucoup de choses

Un aperçu structuré des systèmes informatiques propres à chaque commune - ce que l’on appelle l’inventaire - fait déjà défaut dans de nombreuses communes. Or, sans inventaire, il est impossible de savoir quels systèmes existent, où ils se trouvent, comment ils sont utilisés - et comment ils devraient être protégés (voir fig. 1).

L’image est également mitigée en ce qui concerne les directives en matière de sécurité: environ 40% des communes ne disposent d’aucune directive ou de directives peu claires en matière de cybersécurité. Et lorsqu’elles existent, il n’est pas clair dans quelle mesure elles sont orientées stratégiquement sur les besoins effectifs de la commune ou si elles ne couvrent que des normes minimales générales (voir fig. 2). Dans l’ensemble, les directives relatives à la cybersécurité ne constituent pas une base suffisante.

La situation est encore plus critique en ce qui concerne les plans d’urgence. Certes, un peu plus de la moitié des communes disposent de solutions standardisées ou optimisées (voir fig. 3). Or, ce sont précisément les infrastructures critiques – comme l’approvisionnement en eau, en électricité ou les services administratifs – qui nécessitent des plans solides et éprouvés, capables de fonctionner même en situation de crise. De nombreuses communes ne seraient probablement que partiellement en mesure de réagir de manière adéquate à des problèmes techniques graves et à des cyber-attaques.

Gestion des risques et formation: souvent seulement sur le papier

La situation est similaire en ce qui concerne la gestion des risques: à peine la moitié des communes travaillent avec des procédures standardisées ou optimisées (voir fig. 4). Or, si l’on n’analyse pas systématiquement les risques, on ne peut pas non plus prendre de mesures préventives. Cette capacité fait souvent défaut dans les solutions actuellement en place.

Autre point faible: les formations. En Suisse alémanique et en Suisse romande, environ 50 pour cent des communes disposent d’une offre de formation correspondante, au Tessin, elles ne sont que 21 pour cent - avec toutefois un petit nombre de cas. Il manque donc à de nombreux collaborateurs les connaissances et la compréhension nécessaires pour agir en étant conscient de la sécurité (voir fig. 5). Outre la question de l’inventaire, la situation en matière de formation doit être jugée insuffisante. 

Recherche urgente d’aide extérieure

Le besoin de soutien externe non couvert est par conséquent élevé: 46 % des communes interrogées souhaitent un soutien "plutôt important" ou "important" de la part de spécialistes externes. Les besoins les plus importants concernent la gestion des risques (59,5 %), les directives en matière de cybersécurité (59,0 %), la formation (58,8 %) et les plans d’urgence (58,1 %). Ainsi, les mêmes thèmes sont au centre de l’attention que lors de l’évaluation de la situation actuelle.

Il est positif que le besoin de soutien par des experts en sécurité externes soit reconnu. Toutefois, comme les communes ne disposent pas toujours de leurs propres spécialistes dans le domaine de la sécurité des données et de la cybersécurité, la question se pose de savoir dans quelle mesure les accords de collaboration existants sont conçus de manière adéquate en termes de sécurité.

Conclusion : entre bonheur et dangereuse inconscience

Dans le meilleur des cas, les communes sont relativement bien protégées: les systèmes ont été largement épargnés et aucune attaque majeure ne s’est manifestement produite. Dans le pire des cas, c’est simplement la chance qui a joué jusqu’à présent – et nous sommes assis sur une poudrière numérique. Les responsables n’en sont peut-être pas toujours conscients, faute d’informations suffisantes ou de compétences adéquates. Sinon, il serait difficile d’expliquer pourquoi de nombreuses communes ne maîtrisent pas (totalement) des aspects importants de la cybersécurité ou n’ont pas encore pu combler les failles existantes.

Compte tenu de l’importance sociétale du sujet et des conditions particulières du système de milice, la question se pose de savoir dans quelle mesure des normes techniques et légales pourraient aider à garantir une plus grande sécurité à l’échelle nationale.

Vers l’enquête:

Les résultats détaillés sont publiés sur https://int.mynigmeind.ch/fr/umfrage/. L’étude a été soutenue financièrement par Swisscom, Talus, Elca, Abraxas et Adnovum, ainsi que par l’Administration numérique suisse (ADS). Sans ce soutien, la mise en œuvre et l’évaluation n’auraient pas été possibles.

Fiche d’étude:

Organisme responsable/réalisation: Ma Commune, Association des communes suisses et FHNW (Haute école d’économie, Olten)

Période: avril/mai 2025

Méthode: interview web assistée par ordinateur (CAWI)

Echantillon: 621 (correspond à près de 30 % de toutes les 2121 communes de Suisse)

Erreur statistique standard: maximum ± 3,4 points de pourcentage pour un intervalle de confiance de 95 pour cent

Joachim Tillessen
FHNW/Ma Commune