Les accélérations de procédure pour les projets d’infrastructure énergétique limitent les droits de codécision démocratique des communes, critique le directeur de l’ACS Christoph Niederberger.

«C’est dangereux pour la culture politique»

Tout au long de cette année qui touche à sa fin, l’Association des Communes Suisses (ACS) s’est beaucoup penchée sur la question de la politique énergétique, qui a provoqué mainte frustration. Le directeur Christoph Niederberger fait le point.

La menace d’une pénurie d’énergie pendant l’hiver 2022/2023 a donné lieu à un véritable activisme législatif au Palais fédéral: l’acte modificateur unique, les projets d’offensive solaire et éolienne et le projet d’accélération des procédures ont été concoctés à la hâte, au détriment du droit de regard démocratique des communes.

Christoph Niederberger, l’ACS aimerait promouvoir les énergies renouvelables, mais porte un regard critique sur les projets actuels en matière de politique énergétique. Pour quelle raison?

Tout d’abord, je tiens à ce que l’on sache que l’Association des Communes soutient la stratégie énergétique du Conseil fédéral. Toutefois, la question est de savoir comment et à quel rythme l’on souhaite atteindre ces objectifs ambitieux. L’écart par rapport aux processus législatifs ne doit être autorisé qu’en cas de situation urgente. Mais pour le Parlement, il semble que la situation restera exceptionnelle jusqu’en 2050. Il voit la panacée dans l’accélération des procédures, qui s’accompagne d’une réduction des droits démocratiques. Selon moi, c’est une erreur.

L’ACS accorde donc plus d’importance à l’autonomie des communes qu’à la sécurité de l’approvisionnement?

J’ai souvent entendu cet argument. Ma réponse est non. Nous devons tous respecter les procédures de l’Etat de droit. Dans le cadre de la pandémie du Covid, tous les droits extraordinaires étaient limités dans le temps. Il en va autrement pour le décret d’accélération. Ici, le Parlement fait d’une situation d’urgence une situation normale. C’est dangereux pour la culture politique.

Au printemps, vous avez émis l’idée d’une redevance éolienne et solaire. Est-ce en guise de compensation pour les communes qui sont écartées de nombreux projets énergétiques?

La question d’une redevance éolienne ou solaire ne doit pas être comparée avec la redevance hydraulique, garantie par la Constitution fédérale. Les compensations possibles dans le cadre de projets éoliens ou solaires doivent faire l’objet d’une négociation et d’une définition de droit privé entre le porteur du projet et la propriété. J’attends ici du secteur énergétique qu’il indemnise de façon adéquate non seulement les propriétaires fonciers, mais aussi les communes, pour les effets considérables, comme ceux générés par un grand parc éolien.

La direction prise par le Parlement semble claire: les énergies renouvelables doivent maintenant être développées le plus rapidement possible. De façon réaliste, que peut-on encore attendre pour les communes?

La commune d’implantation doit avoir un droit de regard approprié. Le simple droit de regard sur le plan d’affectation, qui n’est même pas un plan détaillé, ne suffit pas. En plus, la pratique montre par exemple que dans le canton des Grisons, toutes les communes à ce jour ont approuvé les projets «d’offensive solaire» cantonale. La peur face aux communes n’est donc pas justifiée. Les détractrices et détracteurs d’un droit au chapitre des communes devraient garder cela à l’esprit.

Autres dossiers importants de l’année 2023

De l’aménagement du territoire à la promotion de la culture en passant par la mobilité douce: chaque année, les communes sont concernées par de nombreux projets de loi. Nous braquons les projecteurs sur quatre dossiers qui ont particulièrement occupé l’ACS en 2023.

EFAS

Le Financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires (EFAS) doit être l’occasion de réorganiser le financement des frais de santé. Aujourd’hui, les traitements ambulatoires et les traitements stationnaires, de même que le secteur des soins, sont financés différemment. A l’avenir, toutes les prestations de santé devront être financées de façon uniforme, indépendamment du fournisseur. Ainsi, l’EFAS offre une opportunité de répartition équilibrée des coûts sur tous les acteurs. Mais pour cela, il faut que les soins fassent aussi partie du projet. Or, le Conseil national veut assortir de conditions l’intégration des soins. L’ACS s’engage pour une réglementation contraignante des soins dans l’EFAS, qui donne la sécurité de planification nécessaire à tous les acteurs.

Accueil extrafamilial des enfants

Pour soulager efficacement les parents et augmenter leur temps de travail, la Confédération doit verser une contribution pour l’accueil extrafamilial des enfants (un maximum de 20% des frais). Tous les niveaux étatiques profitent d’une participation régulière de la Confédération aux frais d’accueil des enfants, mais aussi les employeurs, l’économie et l’Etat social. Le Conseil national, qui a d’ores et déjà approuvé le projet, voit aussi les choses sous cet angle. Ensuite, il conviendra d’aider le projet à faire une percée au Conseil des Etats. A cette fin, l’ACS a élaboré des lignes de compromis possibles (limitation de la participation fédérale au domaine préscolaire, suppression des subventions pour la politique de la petite enfance).

Egalité pour les personnes handicapées

Les personnes handicapées doivent pouvoir utiliser les transports publics de façon autonome. Les entreprises de transport et les propriétaires d’arrêts (notamment les communes) avaient 20 ans pour adapter les arrêts. Or, la période de transition fixée dans la Loi sur l’égalité pour les personnes handicapées touche à sa fin. Malgré l’engagement des acteurs impliqués, la mise en œuvre ne sera pas possible partout dans les délais impartis et les propriétaires d’arrêts devront proposer en partie des transports de substitution. En collaboration avec l’Union des villes et l’Alliance SwissPass, l’ACS a informé les communes d’éventuelles mesures de substitution et a indiqué concrètement la marche à suivre.

Statut de protection S

Le rapport final du groupe d’évaluation évalue positivement le Statut de protection S pour les réfugiés ukrainiens, mais propose différents ajustements, notamment dans le plan d’urgence, l’hébergement privé et l’application de la clé de répartition. L’ACS salue en particulier la création d’une base légale pour le versement du forfait d’intégration. Toutefois, un problème subsiste: le passage prévu de l’aide sociale d’asile à l’aide d’urgence, dès que le Statut de protection S sera supprimé. Dans la mesure où l’aide d’urgence ne couvre pas tous les coûts, les communes seront dans l’obligation d’agir sur le plan financier. Dans le cadre de la 3e Conférence nationale sur l’asile 2024, l’ACS fera connaître sa position face à la conseillère fédérale compétente.

Fabio Pacozzi
Association des Communes Suisses
Responsable communication
Traduction: Übersetzer Gruppe Zürich